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La preuve exclusivement anonymisée en matière disciplinaire : une porte entrouverte

La preuve exclusivement anonymisée en matière disciplinaire : une porte entrouverte

Publié le : 08/06/2023 08 juin juin 06 2023

Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 22, 5 juin 2023, 2177
En matière disciplinaire, la règle est la preuve en trois temps : la matérialité des faits, leur caractère fautif et la proportionnalité de la sanction.

Nouveauté : Par l’arrêt du 5 avril 2023, n°463028, le Conseil d’Etat apporte des précisions concernant la preuve de la matérialité des faits qui pose le plus souvent des difficultés dans la pratique.

Désormais, l’administration peut se fonder exclusivement sur les témoignages anonymes pour établir la matérialité des faits.

Incontestablement, c’est une nouveauté en la matière. Néanmoins, son expansion est tempérée par trois exigences posées par le Conseil d’Etat : (1) justifier la nécessité de cet anonymat, (2) prouver la crédibilité des témoignages utilisés ainsi que (3) la réalité des faits relatés.

(1) pour justifier la nécessité de l’anonymat, l’administration doit démontrer un risque existant ou allégué de préjudice. Il peut être caractérisé par « un risque de représailles » en raison de la qualité des témoins ou par les effets attachés au comportement fautif dénoncé.
Cette obligation vaut non seulement pour l’anonymisation des témoignages mais aussi des comptes rendus d’audition.

(2) Concernant la crédibilité des témoignages, il convient de prouver que les témoignages émanent des vrais agents et non d’une invention. Plusieurs possibilités existent : la levée de l’anonymat en cours d’instance par la production du compte rendu d’entretiens  mentionnant le nom des personnes interrogées ; l’indication des circonstances dans lesquelles les témoins ont été amenés à travailler avec l'agent ou à être témoin de son comportement ; le recours à un tiers de confiance comme un huissier faisant apparaître au travers de ses constats que des parties noircies et anonymisées d'un rapport d'inspection ne concernent pas directement l'agent et n'ont pas été utilisées dans le cadre de la procédure diligentée à son encontre.

(3) S’agissant de l’authenticité des faits, divers moyens peuvent être mobilisés : une « anonymisation éclairée » par la production de témoignages circonstanciés ou numérotés et d'un rapport précisant le nombre d'occurrences des faits relatés ainsi que leur origine structurelle, ou bien, une « anonymisation corroborée » par des témoignages non anonymes notamment des supérieurs hiérarchiques ou par la présentation d'un témoin devant le conseil de discipline.
Il en résulte que dans l’arrêt commenté, un dossier disciplinaire exclusivement fondé sur des témoignages anonymes dont la provenance, la crédibilité ou l’authenticité serait invérifiable entrainera l’annulation pure et simple de la décision prise.

A retenir : La preuve anonymisée en matière disciplinaire est soumise à quatre conditions : le principe de loyauté de la preuve, la justification de son anonymisation, la crédibilité des témoins, la véracité des faits relatés.
En fin de compte, pour fonder une sanction disciplinaire, il convient de limiter l’usage exclusif des témoignages anonymes qui encourent un risque d’être écartés du débat en cas de méconnaissance des garanties.

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